Paris Match du 17 octobre 1991

Interview d'Audrey au sujet de sa relation avec Hubert de Givenchy

Audrey : "C'est lui qui m'a donné un look, un genre, une silhouette"


Paris Match. Comment avez-vous rencontré Hubert de Givenchy ?
Audrey Hepburn. Je devais tourner Sabrina, un film qui raconte l'histoire d'une jeune fille qui vient à Paris et qui retourne en Amérique transformée. Pour tourner ce film en Californie, j'ai eu naturellement l'idée de faire faire les robes à Paris. A l'époque, ce n'était pas du tout habituel, car tout se faisait à Hollywood. Mais la directrice des costumes a tout de suite été enthousiasmée. En arrivant à Paris, je suis allée chez le grand maître, Balenciaga. Comme c'était l'époque des collections, la maison n'avait pas le temps de s'occuper des costumes du film. On s'est donc tourné vers le plus talentueux des jeunes, Hubert de Givenchy. Je l'ai rencontré dans sa maison de la rue Alfred-de-Vigny. Malgré tout le travail qu'il avait, il a accepté. Il fallait un petit tailleur de voyage et une très belle robe de soie. J'ai trouvé dans la collection la robe noir et blanc du film, qui m'allait divinement. Il n'y a pas eu à la faire faire.

P.M. Grâce à vos films, Hubert de Givenchy s'est imposé à Hollywood et en Amérique.
A.H. Ce n'est pas tout à fait exact. Il est toujours difficile de définir qui a commencé : l'oeuf ou la poule. Hubert a fait toutes les robes de mes premiers films. C'est lui qui m'a donné un look, un genre,une silhouette. C'est lui qui, visuellement, a fait de moi ce que je suis devenue.

P.M. Vous avez tourné dans plusieurs films célèbres. Si vous deviez n'en garder qu'un ?
A.H. Du point de vue sentimental : Vacances romaines. Il m'a tout apporté. J'ai eu la chance inouie d'avoir William Wyler comme premier metteur en scène et Gregory Peck comme partenaire. C'est grace à eux que j'ai pu faire carrière. William Wyler a retenu mon essai. Greg l'a approuvé. C'était une grande star et il avait droit de regard sur ses partenaires. C'est un film plein de charme. Rome était encore une ville préservée. Je suis restée amie avec le maquilleur jusqu'à sa mort. J'ai gardé de ce film une foule de souvenirs affectifs. Il marquait le début d'une carrière qui ne m'a apporté que des bonheurs.

P.M. Vous avez changé de vie. Quelle est aujourd'hui votre mission ?
A.H. Je suis ambassadrice de l'UNICEF. Loin des studios, des sunlights et du star-system. J'habite Genève, où je mène une vie paisible à la campagne, dans mon jardin, avec mes chiens. Et où le courrier s'accumule pendant mon absence. Je prends très à coeur chaque mission. Si on m'envoie au Soudan, je dois m'informer sur la religion, le gouvernement, les problèmes sur le terrain, et sur ce qu'on attend plus particulièrement de moi .En outre, j'ai pour tâche de préparer les tournées de collecte de fonds aux Etats-Unis : conférences, déjeuners, coktails, galas. Je dois beaucoup parler et écrire des discours. Pour le faire, il faut être au courant de l'actualité, effectuer des recherches et lire énormément. La presse, vous le savez, ne fait pas de cadeaux !